Villégiature Construit en 1753 dans le style rocaille, à la fois sobre et d’une grande beauté, le site est classé au titre des monuments historiques en 1942. Il se visite lors des manifestations culturelles qui y sont organisées.

Longtemps attribué à Briseux, l’auteur de L’Art de bâtir des maisons de campagne, tant il semblait proche des recommandations de ce traité, le château a été restitué à son véritable architecte, Jacques Hardouin-Mansart de Sagonne, par les recherches de Philippe Cachau.

Contrairement à la Folie Desmares qui a changé fréquemment de propriétaire [lire l'article dédié], le domaine de Jossigny est resté aux mains de magistrats parisiens pendant plusieurs siècles. Acquis à la fin du XVIe siècle par les Bragelongue, il est entré dans la famille des Leconte des Graviers par le mariage en 1704 d'Anne-Françoise de Bragelongue avec Augustin Leconte, le père de Claude François (1728-1787), le commanditaire du nouveau château. Ce dernier était conseiller au Parlement et à la Cour des aides de Paris. En 1949, son descendant, M. de Roig, petit-fils, par sa mère, de Camille Leconte, baron des Graviers, l’a légué à l’État.

Construit en 1753, le château est placé dans la plaine briarde au cœur du petit village de Jossigny qui en comptait alors deux autres : celui de Fontenelle et celui de Belle-Assise, détruit. Il est l’illustration des quatre principes que doivent respecter les maisons de campagne selon Briseux : « l’économie, la convenance, la commodité et la beauté. »

Château de Jossigny (77) - Crédit photo : © Laurent Kruszyk, Région Île-de-France
Château de Jossigny (77) - Crédit photo : © Laurent Kruszyk, Région Île-de-France
Château de Jossigny (77) - Crédit photo : © Laurent Kruszyk, Région Île-de-France
Château de Jossigny (77) - Crédit photo : © Laurent Kruszyk, Région Île-de-France

Sa beauté tient aux proportions et à la qualité de la décoration des façades. Celle sur cour compte sept travées réparties sur deux avant-corps latéraux, un avant-corps central et un corps longitudinal. D’élégants et discrets décors attribués à l’ornemaniste Nicolas Pineau ornent les baies : les plus remarquablement rocaille sont les deux consoles encadrant l’entrée. La façade sur jardin se distingue par la saillie à pans coupés du salon et sa couverture au profil galbé, en pagode ; on y retrouve les mêmes décors rocaille de Pineau. L’escalier, ouvert sur le vestibule, est placé à droite de celui-ci, conformément aux recommandations contemporaines. Sa rampe reste, avec son alternance de panneaux rectangulaires et de pilastres, d’un dessin relativement mesuré si on la compare aux modèles chantournés publiés par Briseux.

« Dans un bâtiment où la convenance est observée, sa forme et sa décoration conviennent au rang, à la dignité, ou à l’opulence des propriétaires », écrit d’Aviler. Le château de Jossigny respecte cette remarque : il n’est pas ostentatoire. Tout d’abord en raison de sa taille moyenne – sa façade de 15 toises (30 mètres environ) appartient à la plus petite dimension des modèles publiés par Blondel – et de son élévation avec un premier étage en partie mansardé. Philippe Cachau parle aussi d’une « décoration sobre » : dans les chambres, par exemple, les trumeaux de cheminée sont souvent ornés de toiles peintes, moins coûteuses que les miroirs. De même au rez-de-chaussée, dans les deux appartements situés aux deux extrémités de la façade sur jardin, « les plafonds sont agrémentés d’une simple corniche […]. Les lambris sont simplement compartimentés, sans la moindre décoration rocaille ». Seul le salon de compagnie est orné d’une corniche plus sophistiquée au discret décor exotique.

Pour ce qui est de la commodité, les cuisines sont placées dans un bâtiment détaché afin que les maîtres ne sentent pas « une odeur dégoutante » (p. 232). Elles sont à droite de la façade d’entrée, reliées par un passage qui donne directement sur la salle à manger. En exacte symétrie, un passage à gauche de la façade conduit à la chapelle. À l’étage, l’architecte a adopté le principe du corridor central partageant le niveau en deux parties d’égale importance.

Depuis son apparition au château de Vaux-le-Vicomte, cette pratique fait polémique. Le principe en a été adopté par Mansart de Sagonne, conformément aux idéaux de Briseux. Ce dernier admet que le principal inconvénient de cette distribution est que le bruit incommode les maîtres qui couchent au premier étage. Mais comme cette distribution est économe en place puisqu’elle évite plusieurs escaliers conduisant aux appartements de l’étage, elle est préférée à toute autre.

Grâce à ses communs et à ses jardins d’utilité, le domaine pouvait pourvoir à l’économie de la maison ; basse-cour, verger, potager, orangerie permettaient à la famille et à ses hôtes de consommer les produits de la propriété. Si l’on en croit le plan du domaine vers 1820, ils occupaient un peu plus de 2 hectares sur 5,5. Le château est actuellement géré par le CMN.

Texte : Roselyne Bussière, conservatrice honoraire du patrimoine

« Châteaux, villas et folies. Villégiature en Île-de-France » 

Crédit photo : © Région Île-de-France/Lieux-dits

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