Villégiature À l’occasion de la parution du onzième opus de la collection Ré-inventaire de la Région, qui propose un regard sensible sur le domaine régional de Villarceaux, Philippe Ayrault, photographe à la Région, en présente la démarche photographique.

Domaine régional de Villarceaux, Chaussy (95) - Crédit photo : © Laurent Kruszyk, Région Île-de-France
Domaine régional de Villarceaux, Chaussy (95) - Crédit photo : © Laurent Kruszyk, Région Île-de-France
Domaine régional de Villarceaux, Chaussy (95) - Crédit photo : © Laurent Kruszyk, Région Île-de-France
Domaine régional de Villarceaux, Chaussy (95) - Crédit photo : © Philippe Ayrault, Région Île-de-France
Domaine régional de Villarceaux, Chaussy (95) - Crédit photo : © Stéphane Joubert, Région Île-de-France
Domaine régional de Villarceaux, Chaussy (95) - Crédit photo : © Laurent Kruszyk, Région Île-de-France
Domaine régional de Villarceaux, Chaussy (95) - Crédit photo : © Philippe Ayrault, Région Île-de-France
Domaine régional de Villarceaux, Chaussy (95) - Crédit photo : © Philippe Ayrault, Région Île-de-France

Certains lieux murmurent avant de parler.

Des paysages que l’on capte mieux dans le silence de l’aube ou dans le souffle du crépuscule. Ils évoquent avant de montrer, avec pudeur. Le domaine de Villarceaux, vaste écrin de verdure et de mémoire posé dans le Vexin français, attend l’objectif comme on guette la lumière. Il s’éveille, s’y déploie, et nous laisse le soir avec les empreintes chargées du jour. 

Plusieurs jours auront été nécessaires pour se fondre dans les lieux. Plusieurs jours pour comprendre et accepter non pas de voler mais de prendre ce qui était offert : jardins remodelés au gré des heures, ciselés par les brillances et les ombres, plan d’eau sur lequel semblent flotter manoir et communs de Ninon de Lenclos, échancrures végétales, vertugadin drapé, comme languissant, déroulé devant le château du haut. Il s’agit alors de déjouer les perspectives, relever l’harmonie du site, s’abandonner à l’impression onirique pour suivre d’un pas lent la course de la lumière. Les cadrages sont amples, essayent d’embrasser l’émotion de l’œil.

Paysage : ce qui entre dans le cadre. 
La lumière, ce qui l’y maintient.

Étrange démarche que celle du photographe qui arrête le temps dans un lieu où le temps semble déjà suspendu, dans l’attente curieuse du regard. 

Plusieurs jours ensuite pour affûter l’observation, percer les mystères et débusquer les détails : filets sablonneux de sources, fontaines recluses, glacière et orangerie, statues emmitouflées, chapelle ou encore kiosque dérobé des enfants, à l’abri des regards adultes, sur les hauteurs de l’ancien domaine de chasse. Ici, les photos sont plus précises, plus aventureuses, parfois plus techniques. L’image comme recours à l’oubli, l’inventaire minutieux des traces et vestiges qui ancrent le domaine dans l’Histoire.

Plusieurs jours aussi pour pénétrer les bâtiments et percer les mystères de ses occupants. Car ce qui marque durablement à Villarceaux, ce sont les présences encore vivaces. Non pas prendre en photo les lieux, mais bien l’esprit des lieux. La déambulation est feutrée, les jeux de miroirs déroutent le regard. On partage une intimité. Salons et boudoirs semblent accueillir la lumière avec pudeur. Il s’agit d’avancer délicatement, presque en silence, les fantômes sont sensibles : cadrages en retrait, frontaux, palette harmonique de couleurs, décalages et détails subreptices, les images sont tableaux, parfois portraits.

Au soir enfin, la lumière s’estompe et accueille les songes. Un autre monde s’ouvre, mélange de sensations persistantes et d’apparitions nouvelles. La lumière diurne fait place à la clarté lunaire, aux feux lointains des agglomérations. La photo devient évocatrice, picturale. Elle dépeint plus qu’elle ne précise l’étreinte nocturne des éléments qui la composent. Clair-obscur. Les poses longues de l’appareil photo font surgir des recompositions poétiques, des couleurs inédites, des motifs impressionnistes. L’image n’enregistre plus, elle crée. Et n’est-ce pas là le rôle des photographes, qui parfois, à l’instar des poètes de René Char, « doivent laisser des traces de leur passage, non des preuves. Seules les traces font rêver » ?

Ré-inventaire #11 : Vert paradis. Domaine régional de Villarceaux

Crédit photo : © Région Île-de-France

Niché au cœur du parc du Vexin français, le domaine régional de Villarceaux invite à la déambulation et à la rêverie. Classé au titre des monuments historiques, ce joyau méconnu abrite un ensemble unique de bâtiments du XIVe au XIXe siècles, et soixante-dix hectares de jardins d’une exceptionnelle richesse, labellisés Jardin remarquable.  
De l'aube au crépuscule, cet onzième opus de la collection « Ré-inventaire » offre une exploration photographique inédite des recoins les plus discrets de Villarceaux, là où peu de regards se posent. Paysages et détails insolites y dévoilent l’esprit des lieux : un domaine intime, à la beauté discrète et profonde. 

Éditions Loco, collection « Ré-inventaire », 144 pages, 15 euros.

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