zéro portable Désormais interdits dans les écoles et les collèges, les téléphones portables sont permis dans les lycées. Doit-on en rester là ? En plein débat sur la question, la Région Île-de-France a lancé en 2025 le dispositif « zéro portable ». Cette expérimentation concerne plusieurs établissements franciliens, dont le lycée Jean-Macé, à Vitry-sur-Seine (94).
La cloche sonne, la cour se vide. La classe de 1re G1 attend devant la salle que M. Latreille, professeur de SES, ouvre la porte pour pouvoir rentrer. Ce dernier fait signe aux élèves d’y aller en leur rappelant : « On pose les téléphones dans le boîtier, un par un, sans se bousculer. »
Dans la salle de classe, à côté du tableau, une sorte de boîte aux lettres vitrée est fixée au mur. Celle-ci est garnie d’une mousse blanche alvéolée ; les lycéens y glissent leurs téléphones. Quand tout le monde a pris place, le professeur fait l’inventaire : 24 téléphones, autant que d’élèves présents. Le compte est bon.
M. Latreille ferme le boîtier à clé et le cours peut enfin commencer. Pendant le cours d’éducation civique, la classe débat aujourd’hui d’un sujet brûlant : le téléphone à l’école.
Le téléphone en classe, un débat encore à trancher
Pour lancer le débat, le professeur fait un sondage à main levée. « Qui est tout à fait d’accord avec le fait de mettre son téléphone portable dans le boîtier comme vous venez de le faire ? ». Le silence est de mise, aucune main ne se lève. « Qui préfère que je garde votre téléphone en évidence sur mon bureau, mais qu’il soit tout de même confisqué ? » Un peu moins de la moitié des mains se lève. « Qui préfère garder son téléphone pendant le cours ? » Davantage de mains.
Place maintenant au débat. M. Latreille se tourne vers un premier élève qui, contre toute attente, argumente en faveur de l’interdiction : « Ça permet d’éviter de nous déranger en classe », dit Hugo. « Si on l’a sur nous, on peut être tenté de le prendre. Ça peut nous déconcentrer et nous faire perdre le fil du cours. »
Au 1er rang, une élève n’est pas d’accord : « Personnellement, je suis maîtresse de moi-même. Je suis capable de ne pas le regarder pour rester attentive en classe. » Elle ajoute : « Le téléphone est pratique pour s’informer, communiquer et écouter de la musique. »
Le professeur note les arguments dans deux colonnes au tableau tout en commentant : « Le problème, c’est de s’assurer que tout le monde est assez responsable pour ne pas céder à la tentation. Si un élève sort son téléphone, les autres suivront. »
Il rappelle aussi que « la loi interdit d’apporter des objets de valeur à l’école. Vous pouvez vous estimer chanceux de l’avoir au lycée. »
Une consigne inscrite dans le règlement intérieur
Le cours touche bientôt à sa fin et M. Latreille pose une dernière question pour clore le débat : « J’aimerais savoir qui, dans cette classe, a accès à son téléphone durant l’un de ses cours. » Quelques élèves lèvent la main : sur leurs 10 professeurs, seuls trois n’appliquent pas le zéro portable absolu en classe. « Chacun a son fonctionnement ; certains ne sanctionnent que lorsqu’ils surprennent l’élève sur son téléphone », souligne M. Latreille.
L’interdiction n’est pas à la discrétion des professeurs : le règlement intérieur de l’établissement stipule que dès l’entrée en classe, l’élève doit éteindre son téléphone ou le mettre en mode avion « et le déposer à l’emplacement prévu ». Ajoutée en 2024 après validation par le conseil d’administration – qui réunit élèves, parents, personnes élues et la direction –, cette règle a été défendue par la proviseure du lycée. « Le téléphone était devenu un vrai problème et personne ne s’est prononcé contre l’interdiction », affirme-t-elle.
« Le téléphone ne porte pas tous les maux », confie M. Latreille, « mais je suis convaincu qu’il est à la source de nombre de comportements nocifs chez les étudiants. »
Sans leur portable, les élèves reprennent une attitude d’apprenant. « Certains sont plus attentifs et posent des questions ; d’autres somnolent – notamment ceux qui disent scroller jusqu’à tard dans la nuit –, mais ce n’est pas grave. Je leur laisse cinq minutes de repos et je les remets au travail dès qu’il faut noter le cours. »
Le professeur veut aller plus loin avec cette classe de 1re : « Mon objectif est de les amener au zéro portable dans l’établissement, pas seulement en classe, et qu’ils s’en détachent d’eux-mêmes. »
Un projet ambitieux qu’il va mener sur toute l’année scolaire 2025-2026.