Villégiature Le manoir de Miraville est édifié en 1885 à Sarcelles, sur les terres traditionnelles de la dentellerie par le couple Aylé-Idoux, fondateurs d’une entreprise de broderie. Marqué par la modernité, inspiré des maisons alsaciennes et de Viollet-le-Duc, le site, classé monument historique, est aujourd’hui l’Hôtel de Ville de Sarcelles.

« On fait à Sarcelles de très belles dentelles de fil d’or, d’argent et de soie », écrit le géographe Oudiette en 1821, évoquant une activité traditionnelle de Sarcelles et de sa région, qui remonte au XVIe siècle. Ce n’est donc pas un hasard si les époux Aylé-Idoux s’y installent en 1867, à des fins de villégiature, mais aussi commerciales. En effet, lorsqu’ils se marient, à Nancy, en 1856, Frédéric Aylé, alsacien, est négociant et Marie Idoux, lorraine, « fabricante de broderie ». Le couple monte aussitôt l’entreprise de broderie Aylé-Idoux à Nancy. Mais à partir de 1866 ils vivent à Paris, rue de l’Échiquier, où ils resteront et conserveront leur siège social. Ils achètent en 1867 une partie du parc de Miraville, à Sarcelles, ancien marquisat divisé en deux propriétés appartenant à des Parisiens et ornées de vastes jardins d’agrément. L’entreprise Aylé-Idoux prospère et construit plusieurs usines, en Suisse mais aussi à Sarcelles, au fond même du parc de Miraville. Frédéric Aylé a aussi des visées politiques ; il est maire de Sarcelles de 1878 à 1896. On retrouve ainsi chez ces nouveaux industriels les traits les plus anciens de la villégiature, un profond ancrage local, politique et économique.

Le manoir de Miraville tel que nous le connaissons n’apparaît qu’un peu plus tard. La date de 1885 est inscrite sur son porche ; sa construction devait être achevée en 1884. Aylé s'adresse à un architecte d’origine alsacienne et protestant comme lui, Paul Boeswillwald (1844-1931). Élève de son père Émile, Paul travaille avec lui, puis seul, sur de nombreux chantiers. Il est professeur à l’École des beaux-arts, où il a été formé, et architecte diocésain de plusieurs villes ; il devient inspecteur général des monuments historiques à la suite de son père, en 1895. Aylé fait donc appel à la fois à un compatriote et à un professionnel au talent reconnu. Il est tentant alors de lire sur les façades du manoir de Miraville une référence à l’Alsace, perdue depuis 1871. Mais si l’allusion reste probable, elle n’est pas outrée, n’usant pas des motifs de pans de bois typiquement alsaciens que l’on retrouve par exemple sur la villa de la Mayotte, tels que le Mann ou la chaise curule.  

Manoir de Miraville, Sarcelles (95) - Crédit photo : © Stéphane Asseline, Région Île-de-France
Manoir de Miraville, Sarcelles (95) - Crédit photo : © Stéphane Asseline, Région Île-de-France
Manoir de Miraville, Sarcelles (95) - Crédit photo : © Stéphane Asseline, Région Île-de-France
Manoir de Miraville, Sarcelles (95) - Crédit photo : © Stéphane Asseline, Région Île-de-France
Manoir de Miraville, Sarcelles (95) - Crédit photo : © Stéphane Asseline, Région Île-de-France
Manoir de Miraville, Sarcelles (95) - Crédit photo : © Stéphane Asseline, Région Île-de-France
Manoir de Miraville, Sarcelles (95) - Crédit photo : © Stéphane Asseline, Région Île-de-France
Manoir de Miraville, Sarcelles (95) - Crédit photo : © Stéphane Asseline, Région Île-de-France

À Sarcelles, la croix de Saint-André, qui n’est propre à aucune région, est principalement utilisée, surtout côté rue. Cette maison affiche avant tout sa modernité, en s’inscrivant dans le goût de son époque, par le traitement différencié des façades, le savant assemblage de références régionalistes et historicistes, en vue de composer une architecture nouvelle.

Le logis est constitué de deux corps transversaux couverts de toits à deux versants. La façade principale, à l’ouest, présente un avant-corps central à pignon en pans de bois, sur encorbellement. La toiture débordante est soutenue par des aisseliers et par deux consoles doubles en pierre. Les ailes latérales, en brique et pierre, sont plus basses d’un niveau et sommées de lucarnes aux fermes apparentes. L’axialité de la façade est renforcée par la présence d’un porche-balcon de plan carré, en pierre de taille, orné de fleurs sculptées, de chapiteaux à crochets et de gargouilles, qui ne sont pas sans rappeler celles de Notre-Dame de Paris ; on se souvient que

Boeswillwald père s’est formé auprès de Viollet-le-Duc et que le fils a pris la suite du maître à Carcassonne. Son influence est aussi perceptible dans la rationalité de la conception intérieure.

Le traditionnel vestibule est traité avec brio. Ouvert sur toute la hauteur de l’édifice, le noyau central à éclairage zénithal, avec sa cheminée monumentale, son escalier d’honneur et ses coursives courant sur deux étages, distribue la maisonnée avec une certaine théâtralité. Au rez-de-chaussée, le salon se trouvait côté sud et ouvrait sur un jardin d’hiver, aujourd’hui transformé ; à l’opposé était placée la salle à manger, suivie par la cuisine, plus au nord, dans un bâtiment annexe, selon les recommandations de Viollet-le-Duc. Les chambres des maîtres, richement décorées, régnaient à l’étage, de part et d’autre du hall, reliées par la galerie mais aussi par une pièce étroite ouvrant sur le balcon de la façade ouest. Chaque appartement bénéficie par ailleurs, à l’extrémité est, d’un escalier de service. Celui du nord forme une tourelle couverte en poivrière. Au deuxième étage était situé le billard, indispensable à toute maison de campagne.

Le manoir est devenu mairie dans les années 1960.

Texte : Marianne Métais, conservatrice du patrimoine  

« Châteaux, villas et folies. Villégiature en Île-de-France » 

Crédit photo : © Région Île-de-France/Lieux-dits

Cet ouvrage, où l’on croise Bellanger, Guimard, Mallet-Stevens, s’appuie sur un corpus de 1 700 maisons, du XVIIIe au XXe siècles. Découvrez un florilège inédit de maisons de plaisance franciliennes.

« De tous les Français, le bourgeois de Paris est le plus champêtre », nous dit en 1841 L’Encyclopédie morale du XIXe siècle. La quête de bon air, dans une capitale densément peuplée, conduit les Parisiens de toutes conditions à se construire des maisons dans la campagne alentour dès le XVIe siècle, imitant la pratique aristocratique d’un partage de l’année entre saison mondaine en ville et beaux jours au vert.

Du château de Champs-sur-Marne (77) au Désert de Retz (78), de la maison Caillebotte à Yerres (91) à la villa Savoye de Poissy (78), du chalet au cabanon, en passant par tous les styles architecturaux, l’Île-de-France s’est couverte de maisons de villégiature, non seulement autour de ses sites les plus enchanteurs, boucles de la Seine, bords de Marne, forêts de Saint-Germain ou de Fontainebleau, mais finalement partout où il était possible de trouver belle vue et bonne compagnie.

Cet ouvrage présente un territoire inattendu en matière de villégiature, l’Île-de-France, dont la richesse des paysages et la fantaisie des architectures estivales n’ont rien à envier à Trouville ou à la Riviera. La banlieue elle-même apparaît sous un jour nouveau, comme l’ultime avatar de havres de paix campagnards et populaires.

Éditions Lieux dits, collection « Patrimoines d'Île-de-France », 256 pages, 300 illustrations, 32 euros.

En savoir plus

  • Actualité

Regard du chercheur : étude sur la villégiature

  • Actualité

Voyage en villégiature : le château de Saint-Ouen (93)

  • Actualité

Voyage en villégiature : le château des Mèches à Créteil (94)