jardins ouverts À l’occasion de Jardins ouverts, l'artiste Raphaël Emine investit la nature comme terrain d’expérimentation. Entre céramique, impression 3D et formes inspirées du vivant, il conçoit des sculptures-habitats destinées aux insectes, mêlant art contemporain, technologie et écologie qu'il expose dans les somptueux jardins de la Maison de Châteaubriand à Châtenay-Malabry, jusqu'au 31 août 2025. Rencontre.
Cloportes, mille-pattes, araignées ou encore scorpions, les arthropodes sont les protagonistes des œuvres de l’artiste Raphaël Emine. Dans le cadre de Jardins ouverts 2025, il expose son art à la Maison de Châteaubriand.
Suspendues dans les arbres du parc de la Vallée aux Loups à Châtenay-Malabry (92), les sculptures aux allures futuristes semblent surgir d’un univers de science-fiction. Pensées pour être traversées ou habitées par les insectes, elles transforment leur passage en spectacle discret et invitent le public à poser un nouveau regard sur ces petites vies souvent invisibles. Une exposition gratuite à découvrir jusqu'au 31 août 2025.
Témoignage
Jardins ouverts 2025 : rencontre avec Raphaël Emine
Entre art, nature et technologie, l’artiste plasticien Raphaël Emine cultive un univers hybride, à la croisée du minéral et du vivant. Formé aux Beaux-Arts, il façonne des sculptures en argile pensées comme des habitats pour insectes. Son parcours, ses expérimentations et sa vision d’un art comme outil de dialogue entre espèces : rencontre avec un artiste que vous pouvez découvrir dans cette nouvelle édition de Jardins ouverts.
Quel est votre parcours ?
Raphaël Emine : Après mes études aux Beaux-Arts, j’ai débuté comme décorateur dans le set design [NDLR : la conception de décors pour mettre en valeur des produits], ce qui m’a éloigné de la pratique artistique. Je me suis remis à l’art presque par hasard en travaillant la céramique dans un petit four de l’atelier où je travaillais. Très vite, j’ai eu envie de créer des pièces plus grandes et d’y intégrer des formes de vie organiques. Au fur et à mesure, mon atelier du 19e arrondissement de Paris est devenu un véritable laboratoire : c’est un lieu collectif, avec un jardin où je fais mes expérimentations avec les insectes. On peut y retrouver mes sculptures, à l’occasion d’événements ouverts au public. Puis, j’ai commencé à exposer dans des festivals d’art et de paysage. En 2023, j’ai proposé une exposition « Jardin du monde en mouvement » à la Cité internationale de Paris ; en 2024, j’ai fait les hortillonnages d’Amiens, puis une exposition d’un mois dans un parc de Marseille.
L’idée de Jardins ouverts est de relier pratiques artistiques et lieux naturels. Comment votre travail s’inscrit-il dans cette démarche ?
R.E : La Région Île-de-France m’a repéré et mon travail a trouvé un écho au cœur du parc de la Vallée aux Loups. Nests a très vite trouvé sa place dans les jardins de la Maison de Chateaubriand.
Suspendues dans les arbres, mes sculptures s’intègrent au paysage et deviennent partie prenante du vivant qui les entoure. L’idée est d’offrir une structure qui s’inspire de ce que crée le vivant et qui peut être traversée, habitée par les insectes.
Pouvez-vous expliquer votre travail de combinaison entre le minéral et l’organique ?
R.E : Je travaille principalement l’argile, du minéral pur. Après lui avoir donné forme et l’avoir séchée par cuissons, on obtient un objet qui peut traverser les millénaires, contrairement à la vie que j’y fais croître. Malgré leur passage fugace, les bactéries, les plantes, les insectes laissent une empreinte durable dans la matière en en modifiant la texture et la couleur. Elles apportent le mouvement propre au vivant. Cette rencontre entre l’éternel et l’éphémère m’intéresse particulièrement. Mes sculptures deviennent ainsi des micro-mondes, sortes de biotopes miniatures. Elles donnent cette possibilité d’observer plus précisément ce qui nous entoure, de voir le vivant autrement.
Vous détournez aussi les nouvelles technologies comme l’impression 3D. Qu’est-ce que cela apporte à vos créations ?
R.E : Pour imiter les architectures produites par le vivant avec des galeries ou des systèmes alvéolaires comme les ruches ou les fourmilières, je devais travailler l’intérieur des sculptures, ce qui est très compliqué à la main.
Même si je ne suis pas un geek, j’ai donc bricolé une imprimante 3D pour y faire passer de l’argile à la place du plastique. Cela me permet de créer des architectures très fines – quasi impossibles à réaliser à la main – tout en combinant cette haute technologie avec le modelage traditionnel.
Quelles sont vos influences artistiques ?
R.E : Je puise beaucoup dans la science-fiction et les univers que j’ai découverts adolescent : le dessin de Moebius, l’esthétique de Sterling Ruby ou encore les jeux vidéo comme Half Life, de vrais chocs visuels pour moi. On retrouve aussi dans mon travail un mélange d’architectures sacrées et biomorphes, un syncrétisme qui donne naissance à des objets hybrides. J’aime brouiller les frontières entre références populaires et art contemporain.
Comment vos œuvres sont-elles reçues par les publics qui les rencontrent ?
R.E : Les visiteurs y voient des « châteaux pour insectes », des micro-maisons, ou font le lien avec des univers comme celui de Dragon Ball Z. En fait, il y a une double appropriation de mes œuvres : les insectes qui colonisent les sculptures et les humains qui les interprètent avec leurs propres références. On me prête souvent un message écologique, mais ce qui m’intéresse, c’est avant tout de modifier le regard porté sur le non-humain et les liens entre art et nature. Mes sculptures sont pensées comme des outils inter-espèces. Des objets qui n’imitent en rien l’existant et deviennent des lieux de collaboration : conçus par l’humain, investis par le vivant.
Informations pratiques
L'installation Nests de Raphaël Emine est à découvrir gratuitement tout l'été dans le cadre de Jardins ouverts.
- Lieu : Domaine départemental de la Vallée-aux-Loups – Maison de Chateaubriand
- Adresse : 87, rue de Chateaubriand, 92290 Châtenay-Malabry
- Date : 5 juillet au 31 août
- Entrée : gratuite