découverte À 1h30 de Paris, Milly-la-Forêt abrite un trésor discret : la maison de Jean Cocteau. En plein cœur de cette petite bourgade de l’Essonne, l’artiste a acheté une demeure pour échapper aux mondanités parisiennes et retrouver la tranquillité de la nature. Coin idyllique pour la rêverie et la flânerie, le lieu est conservé, immuable, pour permettre aux visiteurs de marcher sur les pas du célèbre poète, dramaturge, dessinateur, peintre et cinéaste français. L’artiste a marqué le début du XXe siècle et inspiré la Nouvelle Vague. Je l'ai visitée pour vous !
À peine arrivée à Milly-la-Forêt (91), je suis happée par le charme préservé de cette commune de l’Essonne, qui a conservé ses traces médiévales, avec sa halle restaurée en plein centre et ses allées pavées et imparfaites. C’est au bout de l’une d’elles – rue du Lau – que se trouve une bâtisse, discrète, presque modeste. Je doute un instant d’être au bon endroit… jusqu’à apercevoir une plaque de marbre confirmant mon intuition : me voici devant la maison-musée Jean Cocteau, propriété de la Région Île-de-France depuis 2019.
Je passe l’entrée et arrive dans un premier espace, une pièce aux hauts murs de pierre où trône un grand portrait de Jean Cocteau. Là, je rencontre mon guide, Malo Westphal. Responsable de la médiation et des projets éducatifs, il travaille depuis plus de 2 ans pour la Maison Jean Cocteau. Comme il me l’explique, il lui arrive d’assurer lui-même les visites, comme aujourd’hui.
Avant d’entamer la visite, Malo partage une première information bonne à savoir : « Milly se prononce comme “mi-yi” et non pas “mi-li”. La faute de prononciation est courante », sourit-il.
Des jardins où se promener, contempler et jouer
Passé le porche, nous débouchons sur un premier jardin dégagé, avec en son centre des tables et des chaises. Sous le ciel lourd et nuageux, des visiteurs sirotent une boisson fraîche. Au fond, j’aperçois un pan de ce qui semble être un château. « C’est le château de la Bonde. Il ne fait pas partie du domaine de Jean Cocteau. La maison est une ancienne dépendance, mais l’artiste aimait l’admirer depuis son jardin ou depuis la fenêtre de sa chambre », raconte Malo.
Dans La Difficulté d’être, en 1947, année où il achète sa maison, Jean Cocteau raconte : « C’est la maison qui m’attendait… Elle me donne l’exemple de l’absurde entêtement des végétaux… ». Malo renchérit : « C’est un lieu de quiétude qui conserve une faune et une flore abondantes ». Et je comprends très rapidement pourquoi. Nous franchissons le pont qui enjambe la rivière l’École et nous arrivons à un second jardin, plus sauvage encore. La végétation pousse dans un joli désordre. Un magnifique figuier séduit les visiteurs. Il est si vigoureux qu’il déborde sur le chemin ; il faut presque l’esquiver pour passer.
J’imagine Jean Cocteau se ressourçant dans ces oasis fleuris. Poète, dramaturge, peintre, il fut aussi réalisateur. Dans son film La Belle et la Bête, réalisé en 1946, son compagnon Jean Marais joue le personnage principal. J’apprends qu’après ce tournage épuisant – l’acteur passait cinq heures par jour au maquillage –, la maison représentait un havre pour les deux amants. Les visiteurs d’aujourd’hui arpentent les mêmes allées ; et quelques privilégiés peuvent parfois apercevoir une biche au fond du jardin. Je retenterai ma chance pour le cervidé.
Sur l’un des parterres, quelques jeux d’adresse, des quilles et même un cornhole, auxquels les enfants peuvent s’essayer, qui me donnent bien envie aussi.
Ils rappellent surtout que ce lieu n’était pas qu’un refuge pour les deux artistes. « En voyant des enfants jouer dans la rue, Cocteau s’est dit qu’il devait ouvrir son jardin pour leur offrir un espace à eux », explique Malo.
Des soirées musicales, en mémoire d’un mélomane passionné
En revenant sur nos pas, vers la façade de la maison, j’aperçois un grand buste de marbre blanc baptisé le « Turc de Versailles ». Ancien décor de La Belle et la Bête, il a été offert par Christian Bérard, peintre-décorateur et ami du feu propriétaire.
Au fil de la visite, j’explore les différentes facettes de Jean Cocteau. Un touche-à-tout : il allait au bout des choses et avec génie, notamment dans le domaine musical.
« C'était un grand amateur de jazz. Jean Cocteau était un passionné de musique bien qu’il ne fût pas musicien », souligne Malo. Il a été l’instigateur du Groupe des Six, dont il n’était pas un membre officiel, mais dont il accompagnait l’esprit. C’est pour illustrer cette passion que les jardins du musée accueillent des concerts intimistes durant l’été.
La programmation, orchestrée par le compositeur Marc-Olivier Dupin, rappelle cet héritage. Divers artistes sont invités à l’incarner : des solistes de l’Orchestre national d’Île-de-France, la soprano Clara Barbier, le pianiste Orlando Bass, et bien d’autres encore. J’imagine l’esprit de Cocteau se raviver chaque samedi, le temps d’un moment musical.
À l’intérieur, un laboratoire de curiosités
Je termine la visite extérieure et je débute l’exploration de la belle demeure. La maison m’apparaît comme un cabinet de curiosités. Le salon expose des tentures accrochées à l’envers, des cadeaux de proches comme la mécène Francine Weisweiller ou la décoratrice Madeleine Castaing, ainsi que des objets singuliers qui ne cessent de me surprendre : un fauteuil ayant appartenu à l’écrivain André Gide, un cendrier façonné à partir d’une patte de rhinocéros, une tête de mouflon qui contenait de l’opium ou encore un moulage de ses mains.
Un dernier étonnement : son amie Gabrielle Chanel lui avait offert un soleil et un miroir dorés qui ornent encore les murs. Je comprends que ces objets traduisent la manière dont Cocteau voyait l’art : un véhicule de poésie et d’intimité.
Je grimpe dans les étages où des œuvres de l’artiste reviennent sur les autres aspects de sa vie. Je me plonge par l’intermédiaire de bouts de texte, de photos inédites et d’extraits de films, dans les années prolifiques de l’artiste.
Une flânerie qui continue hors des murs
Lieu de création et de solitude, je ressens combien cette maison contraste avec la vie mondaine qu’il menait à Paris, où il conservait aussi un appartement. La visite touche à sa fin et me voilà de retour dans le jardin. Je remercie Malo, puis j’observe une dernière fois l’endroit : j’imagine Jean Cocteau déambulant en peignoir blanc, l’air pensif, absorbé par son univers artistique, loin de l’agitation parisienne mais jamais totalement coupé du monde qui l’inspirait. Avant de partir, Malo glisse une dernière recommandation : « N’hésitez pas à faire un tour dans la ville et pourquoi pas visiter la Chapelle Saint-Blaise des Simples que le poète a décoré et dans laquelle il repose aujourd’hui ».
Je quitte donc la demeure et termine ma visite en flânant, à la manière de Jean Cocteau, dans une ville baignée de soleil, en direction de la chapelle, à 10 minutes à pied de la maison-musée.
Infos pratiques
Horaires d'ouverture
- Du jeudi au dimanche de 11h à 18h du 3 mai au 3 novembre 2025.
- Visites libres du jardin et de l'expo temporaire.
- Visites guidées à 11h, 11h30, 12h, 12h30, 13h15, 14h, 14h30, 16h, 16h30 et 17h15 (réservation conseillée).
Renseignements
Site : maisonjeancocteau.com
Tarifs
- Normal : 11 euros,
- Seniors (plus de 65 ans) : 9,50 euros,
- Réduit : 8 euros,
- Gratuit pour les moins de 10 ans et les habitants de Milly-la-Forêt.