Inventaire Dans sa volonté de mieux comprendre les liens historiques entre Paris, sa banlieue et la grande couronne, la Région Île-de-France s’intéresse aux villes qui ont structuré son territoire. À Milly-la-Forêt, au cœur du Parc naturel régional du Gâtinais, une opération d’inventaire est menée par Géraldine Baglin, spécialiste du patrimoine urbain, pour retracer l’évolution urbaine et architecturale de la commune. Les données produites constitueront des ressources au service du développement du territoire.
Pourquoi la Région Île-de-France s’intéresse-t-elle aujourd’hui au patrimoine de Milly-la-Forêt (91) ? Est-ce la première fois qu’une étude d’inventaire y est réalisée ?
Géraldine Baglin, chercheuse au service Patrimoines et Inventaire de la Région : La Région accompagne les initiatives des collectivités locales et des propriétaires privés en mettant en œuvre une politique qui couvre l’ensemble de la chaîne patrimoniale, de l’étude à la restauration et à la mise en valeur. L’outil de connaissance qu’est l’inventaire constitue le premier maillon de cette chaîne.
Dans ce cadre, la Région noue des partenariats avec les acteurs locaux. Pour cette étude du patrimoine milliacois, elle s’est associée à la Ville de Milly-la-Forêt (91) et au Parc naturel régional du Gâtinais français.
La Région a déjà soutenu plusieurs projets de restauration du patrimoine à Milly-la-Forêt et contribue également à la valorisation de la Maison Jean Cocteau, ouverte au public depuis qu’elle en est devenue propriétaire en 2019. Toutefois, elle n’y avait pas encore entrepris d’inventaire approfondi, ni d’ailleurs au sein du Parc naturel régional du Gâtinais français. Cette opération est donc une opportunité pour apporter une connaissance historique et architecturale sur un territoire encore peu connu. Elle permet aussi de développer la compréhension de la province historique du Gâtinais, dont Milly constituait l’une des principales villes au milieu du XVIe siècle, aux côtés de Moret, Nemours, Saint-Mathurin ou encore Château-Landon. Ainsi, c’est tout naturellement que cette petite ville du sud de l’Essonne, riche d’une histoire multiséculaire, a été choisie.
Quel est le périmètre de l’étude ? En quoi consiste l’inventaire du patrimoine et quelle est votre méthode de travail sur le terrain ?
G. B. : En concertation avec les partenaires, il a été décidé que la Région se concentrerait sur l’étude du centre historique de Milly, c’est-à-dire sur le cœur de ville et les faubourgs anciens. En parallèle, le Parc naturel régional, qui mène des recensements du patrimoine sur son territoire, prend en charge la périphérie du centre historique et le reste de la commune.
L’inventaire du patrimoine, c’est un travail d’enquête approfondi sur le terrain et dans les archives pour identifier, étudier et documenter les éléments remarquables d’un territoire. Le repérage et la campagne photographique en cours sur le terrain d’étude, effectués avec l’aide de Clémence Pierre, étudiante à Rennes en Master 2, et de Stéphane Asseline, photographe au service Patrimoines et Inventaire, va permettre d’opérer une sélection des éléments les plus remarquables, en raison de leur intérêt artistique, historique ou archéologique. Ces édifices feront l’objet d’une analyse plus poussée qui viendra nourrir la connaissance de l’ensemble urbain.
Qu’avez-vous pu observer, à ce stade de votre étude, concernant l’histoire urbaine de Milly ?
G. B. : Bien qu’il reste de nombreuses zones d’ombre à éclairer, l’observation de la ville et de ses édifices nous a déjà beaucoup appris.
Un ensemble urbain ancien comme celui-ci se compose d’une accumulation de strates historiques, qui témoignent des périodes de prospérité et de déclin qu’a connues la ville au cours des siècles. Les monuments majeurs, comme le château, l’église Notre-Dame ou la halle, rappellent le riche passé de la cité, celui de la ville-étape et de la ville commerçante qu’était Milly à la fin du Moyen Âge et au début de l’Epoque moderne. De cette période, le centre historique a surtout conservé le tracé de ses rues. Même si l’enquête de terrain a permis de découvrir plusieurs caves médiévales, la très grande majorité des maisons a été considérablement remaniée, notamment à partir du milieu du XIXe siècle. C’est aussi pendant cette période que le tissu urbain de l’ancienne ville close et des faubourgs s’est densifié, et qu’a débuté l’urbanisation des boulevards. Cette dynamique s’est poursuivie jusqu’à la Première Guerre mondiale avec la construction de plusieurs maisons bourgeoises, villas et pavillons dans les années 1900. Ces demeures sont celles qui sont le mieux conservées, de nombreuses maisons issues de la période précédente ayant été impactées par les interventions réalisées au milieu du XXe siècle, auxquelles Milly doit son apparence actuelle. Caractérisées par l’emploi récurrent des appuis de fenêtre préformés et des encadrements droits en béton, elles sont doublées d’une mise à nu des façades en moellons de grès. Beaucoup d’ornements du XIXe siècle ont disparu lors de ces travaux, donnant au centre-ville un aspect plus rural.
Milly et ses alentours sont connus pour avoir été la première région productrice de plantes médicinales en France ; avez-vous observé des témoignages de cette activité sur le terrain ?
G. B. : Effectivement, l’activité économique liée à la culture et au commerce des plantes médicinales, et également aromatiques, a marqué l’histoire de la ville, notamment au XIXe siècle et jusque dans le troisième quart du XXe siècle. Elle a laissé son empreinte sur le paysage urbain milliacois, en particulier dans la partie sud du centre historique où plusieurs constructions dédiées entièrement au séchage et au stockage ont été repérées. Le plus souvent il s’agit de bâtiments massifs en moellons de pierre, de plan rectangulaire et percés de trois niveaux d’ouvertures. Contrairement aux séchoirs bâtis en bois, dont seul semble subsister celui situé rue de Brément, ce patrimoine a survécu grâce à sa reconversion en logements. Aujourd’hui, le Conservatoire national des plantes, installé à Milly depuis 1987, contribue à transmettre la mémoire de cette production qui a fait la renommée de la ville.
Quelles sont les perspectives de valorisation de cette étude ?
G. B. : Les données issues de l’étude vont apporter un éclairage nouveau sur les richesses patrimoniales locales, et permettre d’approfondir l’histoire architecturale et urbaine du territoire.
Au terme de l’opération, elles seront en accès libre sur la base de données de l’Inventaire et les photographies seront mises en valeur par l’intermédiaire de la photothèque régionale.
L’ensemble de ces données pourra donc être utilisé par la Ville de Milly, le Parc naturel et leurs partenaires pour nourrir les actions de protection, de restauration, de valorisation et de mise en tourisme du patrimoine local. Par exemple, les études sont mobilisables pour enrichir les visites guidées organisées par l’Office du tourisme, ou encore pour argumenter les demandes de labellisation au titre du Patrimoine d’intérêt régional. Les habitants aussi pourront s’approprier cette connaissance pour découvrir ou redécouvrir leur cadre de vie.
Deux restitutions publiques sont d’ores et déjà prévues : la première, à mi-chemin de l’opération, consistera en une balade urbaine conduite par Coralie Blondeau, chargée de mission Patrimoine et culture au sein du Parc naturel, et organisée par le Parc naturel lors des festivités prévues à Milly pour Le Village du Parc et son Grand Pique-Nique, le week-end des 4 et 5 octobre 2025 ; la seconde, non encore programmée, prendra la forme d’une conférence et se déroulera à la toute fin de l’étude.
Un dernier mot ?
G. B. : Je saisis cette occasion pour remercier les propriétaires qui nous ont ouvert leur porte et ceux qui, je l’espère, le feront dans les mois qui viennent, ainsi que les « personnes ressources » qui nous transmettent leur connaissance du territoire. Une étude comme celle-ci ne peut être menée à bien qu’avec l’aide des acteurs locaux, qu’ils soient habitants, agents de la collectivité ou élus.
Balade patrimoniale à Milly-la-Forêt lors de la fête du parc du Gâtinais, dimanche 5 octobre à 11h
Partez à la découverte de l’inventaire du patrimoine de Milly grâce à une visite guidée : architecture, patrimoines... Par Coralie Blondeau, du Parc naturel régional du Gâtinais français.
Informations pratiques :
Gratuit - durée 1h
Rendez-vous à l’accueil du parc