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lycée Samuel Sandler et Bilal Mokono, victimes du terrorisme, sont intervenus devant des élèves de seconde du lycée professionnel Charles-Baudelaire de Meaux. Sébastien Lucarelli, enseignant, revient sur cette rencontre organisée dans le cadre d'un dispositif régional de prévention de la radicalisation des jeunes.

Faire intervenir des victimes ou parents de victimes du terrorisme auprès des lycéens franciliens : tel est le principe de « Grands Témoins contre le terrorisme », un dispositif régional créé en 2016 qui vise à soutenir les efforts de prévention de la radicalisation des jeunes.

Enseignant en lettres-histoire et référent culture au lycée professionnel Charles-Baudelaire à Meaux (77), Sébastien Lucarelli a demandé à pouvoir organiser, pour la seconde fois, une telle conférence dans son établissement.

Il a ainsi pu accueillir fin 2020 :

  • Samuel Sandler, père de Jonathan Sandler, assassiné en 2012 à Toulouse par Mohamed Merah, avec 2 de ses enfants,
  • Bilal Mokono, victime de l'attaque revendiquée par l'organisation terroriste « État islamique » au Stade de France le 13 novembre 2015, peu avant la tuerie au Bataclan.

L'un et l'autre de ces témoins ont ainsi échangé avec plusieurs classes du lycée, et de nouvelles conférences seront bientôt programmées.

Sébastien Lucarelli et Bilal Mokono -

Sébastien Lucarelli, enseignant ayant organisé une rencontre entre des lycéens et des victimes du terrorisme, décrit les échanges et leur préparation

Quelle a été votre motivation pour solliciter le dispositif « Grands Témoins contre le terrorisme » ?

Sébastien Lucarelli : À la suite des attentats perpétrés en janvier et novembre 2015 sur le sol français, un nouvel enseignement a été mis en place : l’enseignement moral et civique (EMC). Les 2 thèmes de la classe de seconde bac pro, « La Liberté, nos libertés, ma liberté » et « La laïcité », entrent en résonance avec ce passé récent et douloureux. Dans le cadre de cet enseignement, les élèves peuvent « rencontrer des […] réservistes citoyens, représentants d’association, élus locaux, représentants de l’État […] ».

Afin de lutter contre le communautarisme et mieux appréhender la réalité de la laïcité à la française, il est indispensable pour moi de compléter la parole du professeur par des personnes extérieures à l’Éducation nationale.

J’ai été retenu pour participer à un voyage d’étude à Auschwitz-Birkenau avec une classe de première gestion-administration, dans le cadre du partenariat avec le Mémorial de la Shoah et la Région Île-de-France (NDLR : mis en place il y a 20 ans). Mes élèves ont été félicités à la fin de cette journée du jeudi 28 novembre 2019 qui restera à jamais gravée dans nos mémoires.

Quelques jours après, j’ai été contacté par la Région qui m’a informé de l’existence du dispositif « Grands Témoins contre le terrorisme ». J’ai immédiatement été intéressé et j’ai fait venir une première fois Samuel Sandler et Bilal Mokono. Les échanges avec les élèves se sont déroulés de manière respectueuse. 

À la suite de l’effroyable assassinat d’un enseignant, Samuel Paty, le 16 octobre 2020, mort en martyr de la République, j’ai souhaité faire revenir ces 2 grands témoins pour 2 classes de seconde bac pro.

Quel travail avez-vous entrepris en classe avant de recevoir les témoins ?

S. L. : Nous avons visionné des reportages concernant Samuel Sandler et Bilal Mokono, et des interviews des 2 hommes. Les élèves ont effectué des recherches sur les attentats commis à Toulouse en 2012, puis au Stade de France en 2015. Ils ont élaboré de manière collective un questionnaire pour chaque « Grand Témoin ». Et ils ont rédigé des lettres à leur attention. 

Lors de la venue de Bilal Mokono, les élèves ont refusé d’aller en récréation afin de poursuivre le dialogue avec lui sans perdre une seule minute.

Comment se sont déroulées les rencontres ?

S. L. : Les élèves ont fait preuve d’un comportement exemplaire et respectueux à chacune de ces rencontres. J’ai constaté la vive émotion de Samuel Sandler au moment où les lettres ont été lues. Lors de la venue de Bilal Mokono, les élèves ont refusé d’aller en récréation afin de poursuivre le dialogue avec lui sans perdre une seule minute. 

À l’issue de chaque intervention, ils se pressaient auprès de Samuel Sandler et de Bilal Mokono. Ils ne parvenaient pas à prendre congé de l’un et de l’autre. Une alchimie s’est nouée, ainsi que des échanges fructueux et constructifs. Les élèves ont posé toutes leurs questions sans ambages. Ils ont apprécié la franchise et la sincérité de ces 2 victimes du terrorisme. 

Les élèves ont dialogué sans aucun tabou ni précaution oratoire. Comme leur professeur, ils ont été émus et bouleversés par la sincérité de ces 2 témoignages.

Au final, quel bilan en tirez-vous ? 

S. L. : En ce XXIe siècle, faire la morale aux élèves de manière descendante n’est plus opérant. Il convient de lutter de manière efficiente contre l’antisémitisme, contre toute forme de racisme et de repli communautariste. Le complotisme diffusé par les réseaux sociaux est un poison lent contre lequel il est urgent de lutter.

Les élèves ont dialogué sans aucun tabou ni précaution oratoire. Comme leur professeur, ils ont été émus et bouleversés par la sincérité de ces 2 témoignages. L’émotion légitime ne doit pourtant pas occulter la réflexion sur les valeurs de la République. En acceptant de venir à la rencontre de lycéens professionnels, ces 2 « Grands Témoins » ont permis de faire vivre une certaine idée de la République et de la France. 

Extraits des lettres adressées par des élèves du lycée professionnel Charles-Baudelaire à Samuel Sandler

Chloé P.
[…] Écrire cette lettre me tient à cœur, même si je sais très bien que ce n’est pas une lettre qui vous remontera le moral, mais c’est ma manière d’exprimer ce que je ressens.

Pour moi, le 19 mars 2012 n’aurait jamais dû être une date connue. Pour moi, je n’aurais jamais dû avoir besoin de vous écrire cette lettre. Mais malheureusement il en est ainsi. […]

Flavie D.
[…] Je serai intraitable en tant que future policière et future citoyenne de la République française. Depuis mon jeune âge, je n’ai jamais vécu de choses comme cela. Et je suis touchée profondément. Si on pouvait les ramener à la vie, j’en serais la plus heureuse pour vous et votre famille. Je parle avec mon cœur. […]

Kylian B.
Je suis heureux de vous rencontrer.  Votre venue pour apporter votre témoignage me touche beaucoup. Cela doit être difficile d’en parler et vous devez être très fort. Je vous remercie de prendre le temps pour venir nous voir, surtout dans le contexte sanitaire actuel. […]

Léa D.
[…] Je vous remercie aussi d’avoir fait ce déplacement pour nous. Sachez que vous m’avez fortement touchée dès que j’ai entendu votre histoire. Pour conclure, je vous souhaite le meilleur, vous êtes une lumière que certaines personnes ont tenté d’éteindre à jamais et vous avez résisté. Pour cela, vous avez toute ma considération et mon plus profond respect car vous avez réussi à résister et à rester debout ! Je le ressens et je le sais, vous êtes un homme spécial. […]

Mehdi M. 
[…] Vous êtes un symbole de force physique et morale au sein de la République française. Il est temps maintenant, il faut rêver, s’envoler, vivre nos rêves sans se préoccuper de ce qu’il peut se passer demain. Croire ou ne pas croire, vivre avec ou sans religion sans jugement. Ne pas être jugé en raison de ce que nous sommes : juif, musulman, chrétien, d'une autre confession ou athée. Voilà un monde parfait, un monde sans jugement. Je sais que c’est compliqué d’obtenir un tel monde, mais c’est à nous de nous battre, nous les futurs adultes. 

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