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Avant les Jeux olympiques et paralympiques. En savoir plus

Emmanuelle Philippe, chercheur spécialiste de l’architecture du XXe siècle au sein du service Patrimoines et Inventaire, nous présente l’étude qu’elle réalise actuellement sur les lycées franciliens du XXème siècle. Cette opération a été lancée à l’automne 2015 en collaboration avec la DRAC (Direction régionale des Affaires Culturelles) d’Île-de-France.

Pourquoi la Région Île-de-France a-t-elle choisi d’étudier les lycées franciliens du XXème siècle ?

Tout d’abord les lycées sont une compétence régionale – c’est la Région qui gère, entretient et rénove ces établissements, procède à des extensions et fait construire de nouveaux bâtiments… Il est donc logique que le service Patrimoine de la Région étudie son propre patrimoine immobilier. Lorsque nous avons été sollicités par la DRAC Île-de-France, dans le cadre du label « Patrimoine du XXe siècle », pour travailler sur l’architecture scolaire et plus particulièrement celle des lycées, nous avons accueilli avec beaucoup d’intérêt cette proposition. Créé en 1999 par le Ministère de la Culture, ce label a pour enjeu de distinguer des bâtiments remarquables du XXe siècle pour les transmettre aux générations futures. Il répond à la nécessité de sensibiliser le grand public, mais aussi les décideurs et les aménageurs, à une architecture que l’absence de recul historique ne permet pas encore d’apprécier pleinement, alors qu’elle est souvent menacée. Depuis l’automne 2015 se déroulent en parallèle deux campagnes de labellisation « Patrimoine du XXe siècle », l’une sur les « édifices emblématiques du Grand Paris » et l’autre sur les lycées.

Qui choisit au final qu’un lycée sera labellisé « patrimoine du XXème siècle » ? Quels impacts pour l’édifice labellisé ?

Un groupe de travail a été constitué auprès de la DRAC pour encadrer cette opération. Il réunit à la fois des experts de l’architecture scolaire et des acteurs de terrain : universitaires, membres des services patrimoniaux franciliens (CAUE, UDAP, services d’inventaire…), représentants des écoles d’architecture, archivistes…Chaque réunion de ce comité de pilotage est consacrée à la présentation d’un certain nombre de lycées, préalablement repérés et documentés par Marianne Mercier (correspondante label XXe à la DRAC) et moi-même. Le groupe discute de leur intérêt, de leur caractère emblématique et de la manière dont ils répondent ou non aux critères de labellisation. A l’issue de ces séances, une liste d’une quarantaine de lycées susceptibles de recevoir le label sera présentée à la Commission régionale du Patrimoine et des Sites (CRPS). La reconnaissance des lycées finalement  retenus se concrétisera par la pose d’une plaque en métal signalant ces établissements ; elle se poursuivra par des actions pédagogiques (publications, exposition).

Crédit photo : © Région île-de-France

Combien de lycées du XXème recense-t-on en Île-de-France ? Allez-vous tous les recenser et les étudier ?

L’Île-de-France compte à l’heure actuelle 470 lycées, dont la plus grande majorité, soit environ 400, date du XXème et les constructions se poursuivent ! Le Plan Prévisionnel d’Investissement (PPI) 2012-2022, qui fixe la feuille de route de construction et de rénovation des lycées du territoire francilien, a été revu à la hausse et en 2017, une douzaine de chantiers devraient être engagés. Ainsi le corpus de l’étude ne cesse de s’agrandir, avec de belles réalisations architecturales récentes, comme le Lycée International de l’Est parisien qui a ouvert ses portes à la dernière rentrée à Noisy-le-Grand.

Sur quels critères faites-vous votre sélection ?

Les lycées repérés doivent bien sûr présenter une qualité architecturale, mais aussi être significatifs de la production de leur époque, refléter les évolutions de la pédagogie...Bref à des critères esthétiques mais aussi techniques s’ajoutent des considérations culturelles, historiques  et sociales multiples :

  • La représentativité de l’édifice
  • Sa datation : l’étude porte sur la période chronologique s’étendant de 1914 à nos jours
  • Son état de conservation au regard des transformations successives - les lycées étant par essence des bâtiments «  vivants », soumis à de nombreux réaménagements
  • Les différentes composantes de son programme d’origine : administration, espaces communs, réfectoire, équipements sportifs, classes spécialisées, etc.
  • Son aspect emblématique sur le plan de l’histoire de l’enseignement, de l’introduction de la mixité, du travail pédagogique
  • La qualité de ses décors, dont ceux réalisés au titre du «  1% artistique »
  • Sa place dans la ville, son insertion dans le tissu urbain, la population qu’il était destiné à desservir…
Crédit photo : © Région île-de-France

Avez-vous repéré des courants architecturaux spécifiques à l’architecture scolaire au XXème siècle ? 

Il est encore trop tôt pour dresser un panorama global, mais l’architecture scolaire est un domaine passionnant car elle reflète les évolutions des méthodes pédagogiques (introduction de la mixité, place de plus en plus importante dévolue au travail éducatif manuel et à la pratique sportive…). Elle est aussi un haut lieu d’expression symbolique, où se mettent en scène des valeurs républicaines, laïques, morales, ou encore une forme d’utopie, par exemple dans les villes nouvelles.

Nous travaillons actuellement sur les annexes des lycées parisiens, bâties pour « désengorger » les établissements de la capitale après la Seconde Guerre mondiale. C’est une question captivante que cette extension vers la banlieue, qui s’explique à la fois par le baby-boom avec une quantité soudaine d’élèves à scolariser et donc un intense effort de construction à produire, mais également par la démocratisation progressive des lycées, qui d’établissements d’élite, s’ouvrent à de nouvelles populations. Nous allons ensuite aborder la période dite des « trames », celle des années 50-70, qui est marquée par l’apparition d’une architecture normée, conçue à partir d’un module de base de 1,75 m, mis au point en 1952 par le Ministère de l’Education nationale pour rationaliser les constructions.

Comment allez-vous valoriser cette étude auprès du public et notamment les lycéens ?

La restitution de cette opération passera nécessairement par l’enrichissement de notre base de données, accessible en ligne et par des publications. Nous prévoyons d’ores et déjà, avec la DRAC, la parution d’un numéro spécial de la revue Beaux-Arts magazine sur les lycées labellisés, comme cela avait été le cas pour les précédentes campagnes de labellisation portant sur les grands ensembles (2008) et l’architecture religieuse du XXe siècle (2012). Ensuite, tout est à construire mais une belle publication de référence sur les lycées, mettant aussi en valeur les réalisations régionales depuis la décentralisation de la compétence, me paraîtrait une étape indispensable. De multiples actions de valorisation pourront aussi être engagées à l’issue de l’enquête : circuits de visite durant le Mois de l’Architecture et les Journées européennes du Patrimoine, exposition itinérante dans les établissements…les idées ne manquent pas. De plus, la thématique des lycées est une thématique dont se sont emparés de nombreux autres services régionaux d’Inventaire : un projet de valorisation commun, permettant d’offrir une vision de ce patrimoine à l’échelle nationale, est aujourd’hui à l’étude.

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