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L'usine, monstre ou cathédrale ? Tour d'horizon par Nicolas Pierrot, conservateur du patrimoine spécialiste du patrimoine industriel, dans l'ouvrage "L'Île-de-France, un autre patrimoine".

L’ouvrage "L'Île-de-France, un autre patrimoine" s'appuie sur 40 années de recherche à l'inventaire général, et invite à découvrir ou redécouvrir les mille et une facettes du patrimoine francilien : ses églises gothiques et ses châteaux Grand Siècle, mais aussi ses aérogares, ses stades, ses cités-jardins et ses villes nouvelles, en passant par ses paysages de bord de Seine ou ses villages de caractère, qui ont inspiré les grands peintres du XIXe siècle. Découvrez tous les mois un extrait de chaque thématique abordée dans l’ouvrage. 

L'Île-de-France, un autre patrimoine : cathédrales de l'industrie

Monstre ou cathédrale ? Moins que jamais l’usine ne fait aujourd’hui consensus. Tour à tour vitale et nuisible, émancipatrice et aliénante, matrice du progrès ou de l’effondrement, la voici depuis deux siècles au coeur des enjeux de la modernité et de sa remise en cause. Or, pour débattre de ces valeurs, nous avons plus que jamais besoin d’histoire, de mémoire et de patrimoine.

Les pionniers de l’archéologie industrielle l’avaient bien compris : à partir des années 1980, désireux d’offrir une réponse culturelle au traumatisme de la désindustrialisation, ils surent fonder une discipline scientifique, immortaliser par l’image les colosses terrassés, nous léguer quelques joyaux et militer pour inscrire ce « nouveau patrimoine » dans la culture légitime. En Île-de-France, les combats perdus face à la « reconquête urbaine » sont légion. La démolition des usines Renault en demeure le symbole.

La recherche historique et patrimoniale a d’abord réaffirmé le rang de Paris et de l’Île-de-France parmi les principaux foyers de l’industrialisation européenne, réalité dissimulée derrière le faste de la capitale politique, commerciale et culturelle. De la périphérie jusqu’au centre, on exhume les vestiges de la première industrialisation (fin XVIIIe siècle-1880), ces carrières, ces fours, ces moulins hydrauliques puis à vapeur, tendus vers la fourniture de la capitale dévorante et de ses ateliers. Partout la seconde industrialisation (1880-1940), celle du triomphe de l’électricité et de l’automobile, a imprimé sa marque : entre les voies d’eaux et les voies ferrées (de l’usine Schneider de Champagne-sur-Seine à l’usine Simca de Poissy) et dans les banlieues issues de l’expansion centrifuge de la capitale. Ici, de Gennevilliers à Ivry, de Montreuil à Saint-Ouen, l’habitat et l’atelier cohabitent intimement, offrant une matière scientifique exceptionnelle à l’histoire du bâti, du travail et de l’environnement. Viennent enfin la Reconstruction et la croissance des « Trente Glorieuses » (1945-années 1970), marquées par l’optimisme industriel et architectural de l’après-guerre et la monumentalité d’installations de rang national et international (Renault-Flins, centrales EDF, etc.).

Mais la connaissance ne suffit pas à garantir la transmission du patrimoine industriel. Qu’en est-il des protections légales ? Si le nombre d’éléments protégés au titre des Monuments historiques demeure modeste (une soixantaine en Île-de-France y compris les carrières, fours et moulins ruraux), le choix est souvent d’une qualité exceptionnelle, en raison notamment de l’attention, si rare, portée au patrimoine technique (chocolaterie Menier, manufacture de papiers peints Leroy, distillerie Clacquesin). Les récentes politiques de labellisation distinguent par ailleurs la puissance symbolique de sites (Patrimoine du XXe siècle, Patrimoine d’intérêt régional) et de savoir-faire (Entreprises du patrimoine vivant). 

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Dossier de presse : L'Ile-de-France, un autre patrimoine : Unfamiliar Heritage

Photos :
Les Grands Moulins de Corbeil - Moulins Soufflet : le soli n°1 et sa tour élévatrice -Paul Friesé architecte, 1892-93), Corbeil-Essonnes © Région Île-de-France, Philippe Ayrault
Centre de recherches et d'essais EDF Lab les Renardières : laboratoire diélectrique (hall 420 kV), Moret-Loing-et-Orvanne © Région Île-de-France, Philippe Ayrault
Usine de matériel électrique Schneider, actuellement Jeumont Electric-Groupe Altawest : "nef centrale" où ont été montées les premières commutatrices du métro (Paul Friesé architecte, 1901), Champagne-sur-Seine

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